dimanche 24 août 2008

BUGARACH La Montagne chamane



AOUT 2008


Il est un lieu, un espace à la fois dans et hors l’esprit
Où la peur cesse d’ériger ses murailles,
Un lieu où elle cesse de planter son ancre,
Un lieu ou soudain le voyage est.
Un lieu de milliards de destination
Un lieu ouvert à tous les espaces et à tout les temps.
Le cœur du monde.

Du plus essentiel de mon être jusqu’au plus profond de ma terre j’ai ressenti l’appel et l’enchaînement de synchronicités ne m’a plus laissé le choix.
Il me fallait partir, partir pour cette montagne en quête d’inspiration et de vision.

D’une formidable présence la montagne solitaire, est posée comme un sphinx sur un paysage de colline qui vers le sud, s’élèvent en montagnes : les pyrénées.
Je comprends à présent qu’elle génère tant de craintes et tant de rêves.
Rien d’étonnant à ce qu’une aussi surprenante présence agisse puissamment sur la psyché humaine.

Il court de folles histoires sur ce lieu et à la contempler je le comprend tant il émane d’elle une puissance étrange qui résonne dans toutes les strates tout mon être.

On y croise des histoires de trésors mérovingiens, de base extraterrestre, de petits gris, de porte vers le royaume d’Agartha, de portes spatio-temporelle, celle de Rennes le château, jusqu'à l’arche d’alliance dont elle serait le refuge.
Je souris à cette idée et un instant je me vois comme un moïse new age grimpant le Sinaï…vais-je discuter avec un buisson ardant et recevoir gravées par le feu du ciel les nouvelles tables de la lois. Je verrais bien un truc dans le genre :

Tu aimeras la terre comme toi-même.
Tu aimeras la vie comme toi-même.
Tu seras la vague qui prend conscience de l’océan.

Tu aimeras la vie comme toi-même car tu es toute vie.
Tu es toutes les paix et tout les conflits.
Tu es toutes les houles et toutes les grèves.



Voila que déjà la montagne sans même l’avoir gravis me fait délirer.

Si les mystères du mont m’intriguent ce n’est pas eux qui motivent ma quête.

N’en déplaise à ceux qui veulent croire absolument, la légende qui dit que les avions ne survolent jamais Bugarach est fausse et je vais pouvoir vérifier celle qui dit que les boussoles et instruments électroniques s’affolent, celle si est vrai.

Le ciel est gris et je redoute la pluie.
Je me suis arrêté à Limoux pour acheter une bâche pour le cas ou il pleuvrait.
Je ne veux pas reculer.
C’est maintenant et quoi qu’il se passe je dormirais au sommet

J’ai dans mon sac un duvet chaud, une couverture, des vetements chauds, un bonnet, la bâche, de l’eau et un pain aux fruits secs, quelques cristaux et un hochet, de quoi écrire et un appareil photos et bien sur une boussole pour vérifier si comme certains le disent, ici les boussoles s’affolent.

Là haut, à plus de1200m il peut faire froid. Très froid et humide.
Ici on dit que s’il y a un nuage, il est pour Bugarach.
Je pourrais très bien passer cette nuit noyée dans les brumes humides des hauteurs.

LA première partie de l’ascension se fait sur le bitume et le souvenir lointain de mon pèlerinage vers Compostelle se ravive.
Je porte le même sac à dos, toujours fidèle au poste et le rythme naissant de mon pas pour un même élan mystique me rappelle l’hypnotique rythme du tambour qui après le voyage en voiture me reconnecte à la terre.

Dans le ciel gris juste au dessus de moi, un aigle tournoi comme un signe amical.
Passé une barrière je commence le chemin de randonnée.
Mais peu à peu l’énergie des lieux m’apaise.
J’entre dans un tunnel végétal matriciel.

Parfum de buis et de garrigue. Douce humidité à la saveur.

Devançant mon pas, une multitude de petits papillons se posent devant moi s’envolant sans cesse plus loin semblable à des fées voulant me guider ou me souhaiter la bienvenue. Certains sont d’un beau bleu gris, d’autres de feu et de terre.
Ciel et terre.
Mon regard s’émerveille.

Obéissant à l’inspiration, sans chercher à savoir pourquoi, je ramasse sur le sentier qui commence à bien grimper, des petites pierres noires, qui sous la caresse de mon pouce deviennent lisses brillantes et douces au toucher.
6 petites pierres.


Passage.
Un étrange sous bois très sombres, un ruisseau asséché, chaos de pierres ou poussent de manières reptiliennes des buis haut et fins, presque tentaculaires. La tête me tourne je perçois ici une très forte énergie.
Ici se tiennent des gardiens.
Comme lors des voyages chamaniques que je fais au son du tambour, je sais qu’ils sont là pour tester mes peurs. Je perçois leur présence en moi qui cherche les failles, les peurs pour s’en emparer et les faire croître.
LA montagne est protégée.

Si leur présence peut se révéler effrayante, je sais combien ils tiennent leur place dans l’écologie subtile du monde, combien ils peuvent nous enseigner sur nous même en temps que baromètre de nos peurs.
Dans ma voie chamane, j’ai appris l’importance d’accueillir, de reconnaître mes parts d’ombres.
J’ai découvert combien il était important de m’alléger de tout ce qui m’encombrait et qui faisait obstacles à mon cheminement vers plus de légèreté non pas en le refoulant mais en l’accueillent, en acceptant de regarder.
Sur le chemin chaman, on explore des territoires au delà de la conscience ordinaire, lors de ces voyages on rencontre des énergies bien au delà des formes qui pour nous être accessible, pour prendre sens, puisent en nous l’apparence la plus signifiante.
Celui qui est plein de craintes et qui redoute l’inconnu, risque de revêtir des oripeaux de ses peurs ce qu’il ne comprend pas.
Je ne suis pas adepte de l’enfouissements de mes ombres par de la pensée positive. Mon cheminement m’a appris combien il m’était nécessaire d’être lucide et d’accueillir toutes les parties de mon être.



Toi qui emprunte le chemin chamane
Si tu redoutes la solitude et l’ombre
Reste dans la douceur de ton foyer

Je me relie aux gardiens. Je les laisse explorer en moi ce qui m’emmène ici. Je reconnais leur raison d’être, je les remercie : Je dois continuer.

Ma tête cesse de tourner. Ils me laissent passer.

De manière subtile je commence à chevaucher les mondes.
A présent je suis ici mais aussi un peu plus de l’autre coté.
Un des nombreux voiles qui protége la montagne vient de se lever.
La fragrance des buis, parfum solaire qui se fait plus puissante, affine mes sens
et par la porte de mon odorat m’ouvre à des perceptions de plus en plus subtiles.
Je SENS.


Je continu mon chemin. Je monte.
A l’entrée d’un autre couloir végétal une voix intérieure me dit qu’il me faut là faire une offrande et je réalise le pourquoi des petites pierres noires.
Au même moment une singulière branche noueuse à tête d’oiseau pousse une sorte de cri.
Frottement de 2 branches produisant ce son vraiment saisissant.
Je cherche ou déposer mon offrande.
La branche impatiente que j’agisse, cri à nouveau.
Au sol j’aperçois un petit tas de pierre comme un Chorten miniature. D‘autres on entendu l’appel.
Je dépose non loin mes 6 pierres noires avec au centre une coquille d’escargot vide qui se trouvait tout prés.
Caracole Spirale.

En regardant cette spirale d’escargot je repense à une phrase de A. C Clarke, l’auteur de « 2001 odyssée de l’espace », qui dit en substance que mère nature, reproduit à différentes échelles, les mêmes formes, du nuage de lait dans la tasse de café ou de thé, jusqu’au nébuleuses spirales.
J’irais plus loin en disant qu’au delà des formes physiques, ces formes archétypales sont aussi présentes dans les couches plus subtiles de notre être.
Corps certes, mais aussi Esprit et Ame.
Corps par la matière qui nous constitue, Esprit par les processus psychique tels que cheminement interne par exemple et Ame par la grande danse des Ames qui en un indicible vortex se rapproche tour après tour du centre.
Cette vision ternaire, Corps Esprit et Ame, est un des éléments essentiels de nombreux chamanismes traditionnels et c’est un élément fondamental du nouveau chamanisme tel qui il est en train de naître en occident.

A peine mon offrande faite, le soleil, que je croyais ne pas voir aujourd’hui, fait une apparition.

Je poursuis mon chemin vers les cimes où tournoient les aigles.

Au creux d’un arbre d’où partent 4 branches noueuses, un creux rempli d’eau me fait penser à un bénitier naturel.

Nouveau rite.
Je trempe mes doigts dans l’eau brune et me mouille le front et le cœur.
Une douce sensation de force parcours mon être.
Nouveau passage.
Un autre voile qui se soulève.



VOIX
Tu es une force dans la force !
Tu es une vie dans la vie


Chemin de buis.
Un souffle interne me dit qu’il me faudra veiller à ne tuer aucune vie ici.
Je poursuis mon ascension.
Chorten et offrandes égrène le chapelet de mon pas

Un forme dans le rocher, comme une poignée sur laquelle se dessine vaguement un visage, comme effacé par le temps, me sert à grimper le roc qui devient abrupt. Sa surface est par endroit lisse d’avoir été touchée par des milliers de mains.
A peine m’y suis-je agrippé, que le vent froid et fort qui annonce les cimes cesse brusquement.
Clef des vents.
Un autre passage.
Un autre voile qui se soulève.
A cette altitude, il n’y a plus d’arbre, mais des formes rases de buis et de genévrier qui recouvrent le roc et les pierres glissantes,agrippées au sol à force de tant de vent.
Une tête de thym cueillie plus bas, parfume encore ma bouche.
Les rochers jouent avec les apparences.
Formes bizarres sur le fil, changeantes. Roches gardiennes, metamorphes, prêtes à se nourrir des images de mes peurs ou de mes aspirations.
Pierres maîtresses des illusions. Pierres miroirs.



La ténèbre c’est ce qui nous soumet, la lumière ce qui nous rend libre.

Je regarde derrière moi.
Je surplombe les alentours.
A cette altitude le paysage est saisissant et l’on perçoit les forces colosses qui ont agités la terre et modelé ces lieux. Je me sens tout petit.
Les Pyrénées dans le lointain percent les nuages. Le paysage est époustouflant.
Le vent froid qui a repris et souffle par rafales est le souffle même de la vie.

Je ne réfléchis plus. C’est mon pas qui me guide et je laisse l’attraction du lieu agir sur la matière en moi.
Le rocher appelle ce qu’il y a de minéral en moi.


Mes os sont de pierre.
Je célèbre la pierre
Mon sang est d’eau.
Je célèbre l’eau.
MA chair est de terre.
Je célèbre la terre.
MA chaleur est de feu.
Je célèbre le feu.
Au centre de moi se tient une source qui abreuve et irrigue toute vie.
Au centre de moi se tient un soleil qui illumine et fait croître toute vie.

Apres un étroit passage j’arrive à une sorte de plate forme sur une crête qui se courbe pour faire face à un immense roc : la tête de la montagne.
Face à moi, colossal un immense visage minéral me regarde avec une douceur incroyable malgré la puissance qui en émane.
Ce pourrait être le visage de Cernunnos, ou celle d’un sphinx d’un style indéfinissable c’est le visage que la montagne me donne à voir.

Je suis arrivé.

Un tas de pierre entourant une pierre dressée parle de déférence et de rite.

Je fais une offrande
A présent le soleil brille. C’est pour moi un signe que je suis accueilli.
Je me sens ici chez moi d’une incroyable manière.
Je ne me sens plus sur terre. Plus dans la réalité commune que nous partageons tous au quotidien.
J’ai franchis le voile.
Le vent frais et vif souffle.
Je suis seul humain seul et heureux.

Je laisse la présence bienveillante du mont résonner en moi, de vieilles mémoires reviennent. Je ne sais pas qui je suis mais je sais ce que je fais.
Sans réfléchir j’accompli les rites oubliés. J’entre en résonance avec le lieu et le temps.
Je deviens une antenne que la force de la montagne utilise pour amplifier un harmonique de guérison pour la terre et tout les règnes qu’elle abrite.
LA montagne vivre en moi.
Je ne pense plus, je fais.
Je suis là. Vibrant dans l’harmonique de la conjonction.
Le chaman est un être poreux et cela me traverse, s’amplifie en moi dans la caisse de résonance de mon être, unissant mes 3 strates, Corps Esprit et Ame.
Il n’y a plus qu’un à présent.
Des vagues émanent de ce lieu comme l’onde d’une pierre jeté dans l’océan du monde.
Je ne sais pas. Je sens.
Tout est simple.
Je me laisse porter. Les gestes viennent

LA sensation océanique d’être ici et maintenant chez moi ne me quitte pas.
Ce n’est pas lié a une quelconque résurgence d’une vie passée. Non, c’est plus essentiel que cela, infiniment plus.
Je suis chez moi dans l’espace et le temps.


Sous le regard et la présence puissante et aimante de la montagne, porté par l’inspiration de mémoires éveillées, je ressemble des pierres et fais un autel.

La nuit est tombée
Je m’éveille.
Une étoile filante trace dans le ciel, un éclatant chemin de lumière d’une rare intensité.
Merci !
Une lune d’un rouge incroyable se lève.
Couché à même les pierres, je me sens accueilli et protégé.


Si proche du souffle de vie qui insuffle la force au cœur même de chaque cellule…


Le vent froid a cessé remplacé par un souffle tiède que je reçois comme l’haleine parfumé de la montagne qui d’une exaltante douceur me caresse, me berce et fais rayonner en moi le grand soleil central.
Des rayons lumineux, comme des filaments partent de moi jusqu'à ceux que j’aime puis au delà, vers tout les êtres.
Sous moi la roche se fait chair et j’ai l’impression de faire partie intégrante, de manière à la fois charnelle et minérale, de ce lieu.
Energie d’une douceur infinie .
Caresse du souffle tiède.
Je quitte mon bonnet et ma veste, sors à moitié de mon duvet.
Le roc sous moi palpite.
Le grand visage minéral, couronné d’étoile veille avec une infinie tendresse, un doux sourire sur sa face énigmatique.
LA grande ourse comme diadème.
La lune rouge de tout à l’heure est devenue brillante d’un argent qui révèle d’autres mystères.
Les pléiades passent.
Je suis seul à des heures de toute présence humaine.
Je pense à toutes légendes que l’on raconte.
Je comprend les peurs que le mont suscite et n’en ressent aucune.
Ça en est stupéfiant. Je dors entouré de précipices, loin de toute présence et je ne ressens que cette paix et cette bienveillante présence.
Là montagne est la pour amplifier ce qu’il y a de meilleur en nous et par les gardiens se protége du pire.
Je comprends alors combien il était important ce grand nettoyage que j’ai subi ces dernières années.
Je suis gorgé de douce force. Pas l’ombre d’une ombre en moi.



Je réalise qu’ici le masculin et le féminin, le ciel et la terre s’unissent pour enfanter celui qui vient et répond à l’appel du père céleste et de la mère terrestre.
Ici Gaia et Cernunnos ne font plus qu’un.

Dans la nuit, le roc face à moi avec son diadème d’étoile m’a fait pensé à la montagne de rencontre du 3eme type.
Je souris.
Toute la nuit j’ai senti sous moi et prés de moi la magique présence due la montagne accueillante.
J’ai senti le monde sous moi, autour de moi et en moi, j’ai ressenti cette lumière qui brille en chacun de nous et qui pourrait changer la face du monde pour peu qu’elle croisse.
L’aube se lève et le visage encore couronné d’étoiles ne m’a pas quitté des yeux.
Le souffle du sommet est toujours aussi tiède.
TOUT EST VIVANT.
Dans la radiance de l’aube, Gorgé et guidé par cette rayonnante énergie j’ai accompli un dernier rite.
Puis comme un au revoir j’ai ressenti ces mots :

- « Soigne la terre me dit le mont. »Puis il a ajouté : « ‘Jai laissé un cadeau en toi. »

Au retour j’ai dis au revoir à tout les gardiens.
J’ai fais ce que la montagne voulait que je fasse et je comprend que le devoir du chaman est d’alléger le monde des douleurs des hommes.
En pensant cela, j’ai réalisé que pour la première fois je venais de me considérer comme chaman et non plus comme apprenti chaman.
Je compris alors le cadeau de la montagne.
Elle m’avait révélé chaman.


« Le ciel s’éclaircit quand un/une chaman ( re)trouve son pouvoir. »