Frère Etoile
Le bois fol
Le temps chamanique n’est pas le temps ordinaire.
LA vision chamanique n’est pas la vision ordinaire.
La présence chamanique n’est pas présence ordinaire.
Et pourtant tout cela est d’une simplicité désarmante.
J’ai pris la piste de sable blanc qui passe au bord de l’airial de Bladey et j’ai pénétré dans la forêt.
Très vite, plus vite que d’habitude et j’en suis étonné, je me sens accueilli par la forêt dont je perçois avec force les présences qui l’habite.
Quelque chose a changé.
De loin je perçois le bois fol qui a senti ma présence et qui m’appelle de manière amicale
– Trace pour nous un cercle ! Douceur du cercle !
Non seulement je suis surpris de ne plus sentir de méfiance à mon égard mais je me demande bien ce qui peut avoir ainsi changé dans ma relation avec cet insolite bosquet
Je demande donc et aussitôt il me répond :
- la montagne t’a changé. Frère étoile t’a lavé. Tu es plus proche de nous. Le parfum de ton âme n’est plus le même.
Étrange dialogue alors que je suis encore à quelques centaines de mètres du bois : ces voix là ne connaissent donc pas la distance.
A ces mots je réalise que depuis ma nuit passée sur le mont Bugarach c’est là ma première grande balade dans la nature.
Comme il est facile de se laisser emporter loin de l’essentiel
Alors que je marche dans la forêt, je me sens de plus en plus léger. C’est une sensation très agréable. Mon corps devient de plus en plus vibrant.
De mon second regard, celui qui se tient de l’autre coté de cette réalité (je m’étonne de l’évidence avec laquelle j’énonce cela, mais c’est aussi simplement comme ça), je perçois des sortes de filaments lumineux et vaporeux qui me parviennent depuis chaque plante, chaque arbre qui viennent tisser un cocon ou un œuf de lumière autour de moi.
Je ne saurais dire s’il s’agit de tissage ou de réparation probablement les deux.
C’est doux, c’est tiède, c’est bon.
Je me sens totalement accepté par les vies autour de moi.
Les grillons chantent paisiblement et des myriades d’insectes volant bourdonnent dans l’air.
C’est envoûtant et tout en ces instants respire une paix d’une simplicité évidente.
L’atmosphère est emplit du sacré des temples.
Tout transpire la foi, une foi simple et essentielle.
Sous les herbes je découvre des girolles.
- Nous nous offrons à toi, pour que notre vie danse en toi.
La nature reprend en chœur :
- Nous t’offrons la vie.
Et je réalise qu’il n’est nul besoin, de couper, sécher les végétaux ni même d’élixirs floraux pour profiter de leurs vertus, être soigné, harmonisé car l’énergie de vie coule vers moi depuis chaque présence.
A mesure que je m’approche du bois fol, mon énergie croit.
A l’entrée du bois, une vielle souche de chêne couverte de mousse, comme un autel ou un féerique fauteuil de brun et de vert intense attire mon regard
-Assieds toi là ! Me dit une voix.
Je m’assois
En ressentant l’acceptation du bois je perçois aussi en moi la présence de l’énergie de la montagne qui m’accompagne depuis ma quête de vision et qui ne m’a plus quitté.
Avant même que j’ai posé une question j’entends la voix du bois…
- Ecoute avec attention ! disent ils.
Frère étoile est une porte d’où se déverse une force nouvelle.
Frère étoile est pluie de lumière, comme celle qui a plut sur toi à Bugarach.
Frère étoile pleut et fait croître les récoltes de demain.
Frère étoile fait grandir les forêts de demain
Frère étoile irrigue les cœurs des humains de demain.
Et pour ceux-ci, il sera douceur du cercle.
Mais frère étoile sera aussi croissances de la colère, de la peur, de la cupidité pour ceux qui
Qui résisteront au changement qu’il génére.
Un temps l’ombre croîtra, un temps puis elle pourrira en humus fertile.
A cet instant tout à l’écoute, les yeux dans le vague alors je regarde un tronc moussu, une sorte de visage apparaît et me sourit puis disparaît. Sourire de faune.
A présent nous t’acceptons parce que la montagne t’a parlé, parce que tu as reçu la pluie et l’or de la pluie et que tu l’as écouté sans peur. La peur est un poison.
Maintenant tu peux raconter, répandre notre voix que les humains sachent que nous aussi sommes là, plus vivant que vous ne le croyez et qu’ensemble nous pouvons dialoguer.
Que les humains s’ouvrent à nous et nous nous ouvrirons à vous. Il y a quelque part un lendemain ensemble.
-Trace pour nous le cercle ami ! Trace le pour nous.
Je quitte mon fauteuil d’hôte et vais vers la forme de mousse qu’a présent je connais bien.
De ma main, avec respect je balaie les feuilles mortes qui tapissent la terre et trace un cercle autour de la forme moussue, dont le velours vert ressort sur le noir de l’humus parfumé d’automne
- Cela nous ne le pouvons pas me disent les arbres de leur voix d’arbre, en me regardant tracer le cercle, et cela tu peux le faire pour nous…ça et mille autre chose et ce cercle que tu trace sur la terre, nous en échange pouvons le tracer en vous.
Et ce cercle là que savent tracer en nous les arbres, je le perçois en moi, tissé en moi, parfait, équilibrant pareil à un oeuf de lumière, celui là même tissé par les végétaux avant même que j’arrive au bois fol. Je me sens à la fois réparé et énergisé.
- Trace pour nous ! Trace ! scandent ils.
Je poursuis et finis le cercle.
Envie de pisser.
Un instant pris de considérations morales bien humaines, j’hésite à pisser en ces lieux magiques mais je perçois aussitôt que je le peux, qu’il s’agisse d’une offrande mon eau.
Un cycle, un autre cercle sacré.
Celui de l’eau qui entre en moi qui sort en moi. Il n’y a là rien de blasphématoire.
Une grenouille arrive en sautant et s’arrête près de moi. Sans peur elle se dirige vers le cercle dont la forme moussue me fait penser au lapin que les chinois voient dans la lune.
Le bois fol n’est plus fol. Le bois fol est doux et sourit du sourire de celui qui c’est bien amusé.
Je m’allonge au sol, je suis bien dans les bras de cette forêt qui goûte cette nouvelle saveur qu’il y a en moi et dont de la sagesse m’émerveille.
Je reste ainsi un temps indéfini à goûter simplement le plaisir d’être là jusqu'à ce que je comprenne qu’il est temps pour moi de continuer mon chemin.
Je quitte le bois et lui dis à bientôt.
Au sortir du bois les bruyère sont là et les flammèches violettes qui émanent d’elles colorent un instant le cocon de lumière qui m‘entoure.
Je me sent en gestation, quelle éclosion cet œuf va-t-il faire naître de moi ?
Légère ivresse. La tête me tourne.
Je continu ma promenade.
Soudain je sais avec évidence qu’un serpent est là et que je vais le voir
Quelques pas plus loin, passe paisiblement un magnifique serpent noir.
Mes perceptions se sont intensifiées.
Je suis plein de gratitude.
Le futur pourrait être si beau.
Vo us trouVous trouverez plus de choses dans les forêts que dans les livres. Les arbres, les pierres, vous apprendront ce que les maîtres ne sauraient vous enseigner. »
Attribué à St Bernard