samedi 22 mars 2008

La maladie initiatique

« L’œil !
L’œil noir !
Un cri dans le silence.
Il avance l’air est épais
Silencieuses des ombres passent.
L’œil !
L’œil noir !
Un éclair dans le jais sombre.
L’œil immobile me fixe
Et je vois
L’âme du corbeau
Dans l’éclair noir »
Le livre des forces




Illumination. 1987

Dans ce squat sans chiottes sans eau ni fenêtre, sur ce matelas poussiéreux et parfumé à la bière où il suffirait de s’allonger nu pour tomber enceinte, avec pour seul compagnon mon rat à tumeur, je réalise à cet instant que je ne suis rien, que je vais probablement finir ma vie dans un caniveau ou sous un pont, étouffé par ma gerbe ou défoncé jusqu’à la mort, voire même privé de liberté pour de longues années, parce que ma haine ou la folie qui m’enrage auront été si forte que j’en aurais été peut être jusqu’à tuer.


Je ne sais plus pourquoi je lis la bible et c’est déprimant, je n’y vois que les jugements, colères et punitions d’un dieu qui n’est rien d’autre pour moi que la caution à la folie des hommes.
Ce dieu là est homophobe, misogyne, cruel et guerrier, à se demander si l’on ne s’est pas fait avoir car il pourrait bien être en vérité, le prince des intolérances et des supplices, à la fois le symbole et la source de nos ombres, inverse de ce que l’on prétend qu’il soit.








Les canettes de bières, les filtres de clopes et de pétards jonchent le sol.
Trop de défonces diverses et variées et trop d’alcool : ma quête de l’extase vire chimique et c’est pas bon pour mon moral.
Cette semaine j’ai encore disjoncté. Je me suis jeté sur Néné. Je l’ai mordu au crâne, puis j’ai éclaté les vitres de sa deush à coup de rangers pendant que Priscille qui l’accompagnait braillait que j’étais devenu fou.

Je suis donc là à lire la bible, disais-je, pour me démonter le moral ou pour me changer des « Chants de Maldoror », quand soudain me vient l’illumination.
Je me souviens qu’avec Christophe qui vient de se tirer une balle dans la tête, nous avions regardé les premières images putassieres, dans Paris match, de ce qu’alors on appelait le cancer gay, un terrible avant/ après photographique d’une des premières victimes médiatisées de l’épidémie.
Je réalise que je vais aller m’infecter parce que cela m’apparaît comme la seule et unique solution.

Je vis entouré de haine. Etre qui je suis me coûte une énergie considérable. Les humains ne sont pas tendre avec la chose que je suis, travelo morbide, ange déglingué cheveux noir et rouges, robes, bas résilles.
Je suis un rat, je bouffe ce que je trouve, je chie oû je me trouve faute de chiottes.
Je suis sur que vous n’imaginez pas combien l’absence de chiottes ça vous colore un lieu. Je vis de squat en squat, de cave en cave devrais-je plutôt dire, tant je suis abonné aux sous-sols sombres et humides comme des cryptes.
A présent tout cela n’est plus un choix je le réalise et la fierté que je ressentais à vivre cette vie hors des normes me jette hors du monde et loin des hommes au point qu’il m’arrive de ne plus me sentir humain. LA mort m’obsède sans que je ne sache plus vraiment ce qu’elle a à me dire, pourtant je ressens puissamment le besoin d’aller au bout de mon ombre et j’y suis presque.
En moi raisonne cette phrase lue dans une biographie Giordano Bruno, brûlé pour hérésie « La connaissance passe aussi par les égouts. »


Je bouffe un morceau du gruyère que j’ai récupéré au secours catholique, je regarde Tchernobyl, traîner joyeusement sa tumeur.
Je regarde ma vie derrière moi…c’est douloureux.
JE n’ai plus ma place ici et pas de cette manière.

Trop habitué à survivre, il m’est impossible de me foutre en l’air, je vais ruser avec mon colossal instinct de survie, m’infecter, ouvrir en moi la porte à la mort lente et virale, me détruire et aussi peut être me sauver.
Je dis adieu à mes derniers amis, me coupe les cheveux et les teint en noir, pour en effacer les dernières mèches rouges, prend un sac qui contient tout ce que je possède ici bas, donne Tchernobyl et part vers la cote d’azur ou j’ai fait il y a peu, le tapin.



Crucifixion

L’esprit étant un merveilleux acrobate, ma décision prise, j’ai agis en son sens, ne pensant plus à elle, l’enfouissant tout au fond de moi.
Je me suis rendu amnésique.

Je n’ai baisé qu’avec un mec et par un sombre miracle ce fut le bon.
Son foutre et son sang charriaient en leur substance, le mal que je cherchais.
Je l’ai rencontré un Bar où je trouvais auparavant nombre de mes clients.
Le lieu me paraît lugubre. Le sida est passé par là et je n’y reconnais personne.
Je m’assois au bar.
il est là, à coté de moi.
On boit un verre, On parle un peu.


Il me caresse et comme je ne dis rien il m’invite chez lui. J’accepte.
Il parle un peu de lui, pour meubler.
On fume un mauvais shit.
Son visage est marqué par la fatigue.

Il est excité
Il se jette sur moi et ne pense qu’à m’enculer…sans Kpot.
J’aurais la désagréable impression d’être crucifié.
Sans plaisir je m’infecterais dans la douleur.
Il c’est enfin endormi.
Près de la table de chevet, je remarque une pyramide en carton qui semble me dire quelque chose.

J’ai les tripes en feu.
Pendant qu’une vieille insomniaque dit des trucs surréaliste à sa Cb juste derrières la cloison, je passerais la nuit sur les chiottes à me vider comme si mon corps, sentait et cherchais à évacuer le virus qui venait d’entrer en lui,


Pendant que les Stars brillantes de paillettes et de strass montent et descendent le grand escalier du palais des festivals, moi j’entrais en Sida.
Au petit matin je l’ai laissé, il ne m’a pas offert de petit dej.
Je suis parti vers le bord de mer, avec toujours une chiasse colossale et sans un sou pour entrer dans un bar ou des toilettes publiques.
Je suis un Sans papier. Je pue la merde.

Un vieil arabe en costard c’est approché de moi. J’ai cru qu’il en voulait à ma bite ou à mon cul merdeux.
Il voulait juste m’aider, parler.
Sa présence m’a fait du bien.

Je n’ai plus rien, rien qu’un sac à la consigne. Et face à l’horizon, je me sens intensément, mystiquement léger et libre.

Soudain s’impose à moi l’idée d’aller rendre visite à mes parents avec qui je suis en froid depuis qu’ils m’ont viré de chez eux parce qu’ils m’avaient trouvé au pieu avec un mec.
Je vais aller les voir, puis j’irais…J’irais je ne sais où et je m’en fout parce que je ressent quelque chose de nouveau : mon monde est ouvert !



Voyage chamanique. Morcellement



« Je veux être moi dans toute la splendeur d’un océan de flammes.
Je veux être moi dans toute la splendeur d’un océan.
Je veux être moi dans toute la splendeur.
Je veux être moi.
Je veux être.
Je veux.
Je… »



LE virus est en moi
Premiers symptômes primo infection particulièrement virulente.
Symptômes grippaux, courbatures, fièvre, fatigue sueurs nocturnes, puis ça empire.


Je délire. Je ne mange plus. Je maigris… au point de ressembler à un squelette.
J’ai les genoux Dachau : deux balles sur des pattes d’oiseau.
Je ne marche plus, je traîne un corps devenu lourd comme la pierre.
Subissant une irrésistible attraction de la terre, l’être vertical que j’étais devient horizontal et les quelques pas que je fais sont pour m’allonger plus loin à même le sol.
LA terre m’attire.
La terre m’aspire.
Douleurs dans mon corps broyé, Mixé, pulvérisé, passé au mortier.
Je perd mes eaux toutes les nuits à en tremper mes draps d’une sueur au parfum de fruit gâté.
JE ne trouve l’apaisement qu’allongé tout contre les flammes et les braises, sur la grande pierre d’âtre qui m’accueille tout entier, de cette vielle maison, le feu, le feu qui est au centre de tout, le feu qui est mon seul remède, le feu qui est mon centre lumineux et chaud.






JE délire.
Je voyage :


Voyage solitaire
Tout près des flammes,
qui dansent,
dansent…


JE suis moi
Je suis deux
JE suis cent
Morcelé et pour cela au fond de moi
Je cri

Froid, froid, j’ai froid
On croirait la mort
Froid et long
Un très long pont
Plus long que tout les ponts
Qui s’efface dans le lointain
Fascinant et terrifiant.











Balancement
Gémissement.
Douleurs.

JE veux que de cette nuit viennent le souvenir de mes ailes.

Balancement
Gémissement.
Douleurs.


Chaque trait- chaque ligne
S’accroche au trait d’une spirale
A chaque couleur
A chaque signe
VERTIGE
(Une voix dit : déchire l’apparence. Va de la substance vers l’essence)
Je m’élance
Chaque trait
Chaque ligne
Au cercle aspiré des spirales
S’unissent
A chaque couleur, a chaque signe.
Je m’enflamme.
FEU DANS L’EAU


Balancement
Gémissement.
Douleurs.


Avec quelles ailes ?
Vers quels cieux ?

Balancement
Gémissement.
Douleurs.





Tumulte
Et plus loin grand calme
La bas aux franges lointaines du monde encore un peu d’écume
Tinte sa joie.
Que les rives s’effacent…
Il y a présence et force en ces lieux



Que les rives s’effacent…
Des angles se déversent
Formes et coagulation
Illusion de substance
Présence…et fantôme
Que les rives s’effacent
S’effacent, s’effacent…




Balancement
Apaisement

Ecoute ! Écoute !
L’immense sollicitude
Caresse toute vie, toute chose
Air, eau, terre
Ecoute, écoute !
Et vois !
Vois le feu et embrase toi !

Balancement
Apaisement

Mourir.
Mon corps qui se morcelle, se dilue dans cette chaleur qui éloigne ce froid douloureux qui s’empare de moi corps et âme.





C’est une fièvre, c’est un feu.
M’élever ! Oh ! Quel poids !
Quel poids de terre, quel poids de chair. Elan prodigieux.
S’élever
Avec quelles ailes ? Vers quels cieux ?
M’élever par force, par volonté, par abandon.
M’élever vers la clarté. Clarté !
Clarté océanique clarté intensité
Un point d’éternité.




Balancement
Apaisement



… Une larme à l’œil, mon père tente de me faire avaler une bouillie, à la petite cuillère, comme à un enfant.
.



Flammes ! Flammes échos
Flammes clarté
Flammes forces d’embrassement
Feu ! Feu, puis son igné
Ecouter, écouter chaque image écouter chaque force
Ecouter, voir et entendre.

Balancement
Apaisement

La truffe humide et rassurante d’un chien contre mon visage











Atre,’astre.
L’âtre au centre même ou se consume et se tisse
Toute substance
L’âtre à l’être parle
Et l’être dort et rêve, non plus de mort
Mais de vie.


Balancement
Remembrement.

Un festin sans matière de parfums libéré de toute chaîne enfin libre et dansant, dansant
Réchauffe
Fertilisé.
renaît


Un mois à délirer à entendre des musiques si belles, à faire des voyages si étranges que je ne serais plus le même…
Voyager comme…Mourir
Mourir pour renaître.
Passage chamanique.
Voyage chamanique :
Le cachalot.

Voici la retranscription d’un voyage fait peu de temps avant que je ne découvre et utilise une des portes d’accès à ce que l’on nomme les « autres réalités ».
Ce fut là une expérience si forte qu’à ce jour elle m’habite encore et qu’il me semble sentir près de moi « l’esprit du cachalot », comme une présence formidablement puissante et bienveillante.
Avec le recul je m’émerveille de voir combien cette vision, préfigurait ce qui allait venir, mes voyages dans les autres réalités et la nécessaire descente dans mes profondeurs suivis du début d’un grand nettoyage de mon mental par la résurgence d’un terrible souvenir enfoui, qu’il me fallait affronter sur mon chemin chamanique. Affrontement que l’on retrouve dans toutes les tradition, celui de l’universelle épreuve de l’affrontement avec les » démons », la rencontre d’avec le dragon gardien de la caverne ou se tient le trésor, ici en l’occurrence , non pas de l’or, mais une porte…vers d’autres mondes.

Je l’avais trouvée, lorsque j’avais 12 ans sur la plage d’une île où jadis se perpétra le grand massacre des baleines et cachalots et depuis elle ne m’avait plus quitté, jamais trop loin.
C’était une dent, celle d’un cachalot, une dent blanchie et usée, par les vagues du temps et de l’océan.
Ce jour là, 30 ans plus tard, alors que j’étais dans ma roulotte, la dent s’imposa à moi sous un jour et une puissance nouvelle.
Avec évidence, sans réfléchir, je la pris dans ma main, m’allongeait, fermait les yeux.
Immédiatement des images vinrent.

L’océan. Je flottais au large, loin de toute terre, bercé par le rythme doux de vagues paisibles, en cette zone frontière entre ciel et eau.
Près de moi me regardait un cachalot dont je ne voyait que la tête.
J’ai immédiatement su que j’étais en présence de ce que de nombreux peuple premiers appellent un animal de pouvoir.
Sans mot il me demanda s’il pouvait rester près de moi.
Son corps immense et puissant était luisant d’eau.
Son œil brillant d’une formidable puissance contenue me fixait.
Il plongea
Sans chercher à comprendre, acceptant le voyage je me trouvais à le suivre.
Descente.
Descendre vers l’abîme.
Descendre dans l’obscurité grandissante.
Je sentais sa présence qui jamais ne me quitta.
Descente. Descente.
Jusqu'à la plus totale obscurité.
Malgré ma complète cécité, je n’avais pas peur dans cette noirceur sans tache.
Le cachalot me fit comprendre que je regardais avec mon regard habituel, qu’il me fallait utiliser un autre regard.
Il m’invita à partager son regard.
Alors soudain, je vis s’illuminer l’abîme.
Tout ici resplendissait. L’abîme n’était pas d’ombre.
Il y avait de la vie qui dansait partout autour de moi.
L’obscurité n’était que limite du regard.
La dent toujours dans ma main, posée sur mon ventre, je me sentis empli de force et de lumière.
C’était là le don du cachalot.

L’animal de pouvoir n’est pas celui que l’on attend mais celui qui se présente à nous. Avec Force.

Je sais à présent que je pourrais l’appeler quand j’aurais besoin de son aide et qu’en attendant que mon propre regard s’ouvre, il me prêtera le sien lorsque je voyagerais en bas.